Enseigner l’Anglais en Allemagne
Frédérique Bouhelier, professeur d’Anglais au Collège Paul-Eluard de Noyon (Oise) nous fait part de ses impressions sur l’enseignement des langues outre-Rhin.
Outre une formidable ouverture à l’international, mon année d’échange dans le cadre du programme Jules Verne m’a permis d’en apprendre davantage sur l’enseignement des langues vivantes en Allemagne.
Tout d’abord, c’est par l’intermédiaire des manuels en vigueur dans mon établissement d’accueil que j’ai pu avoir un premier aperçu de la façon dont les langues vivantes sont enseignées. J’ai constaté des différences entre les manuels : les plus récents (comme Access, que j’ai utilisé en 6ème classe, c’est-à-dire l’équivalent de notre 6ème) s’inscrivent dans une démarche actionnelle, avec réalisation d’une tâche finale, et comportent des pages dédiées aux savoir-faire dans chaque unité (stratégies pour lire un texte long, méthodologie de la prise de notes, …), ce qui n’est pas le cas dans les manuels plus anciens (comme Green Line, le manuel en vigueur dans les autres niveaux). Ces différences témoignent d’une évolution des approches pédagogiques ces dernières années. Cependant, en pratique j’ai pu constater que, quel que soit l’âge des collègues, les professeurs de langues insistent sur l’apprentissage des faits de langue et du lexique, parfois au détriment de la réalisation d’une tâche finale. De même, en compréhension (écrite ou orale), les élèves semblent maîtriser les stratégies de repérages ce qui permet aux enseignants d’aborder rapidement l’analyse du contenu et de l’implicite. Le fait que les professeurs de langue vivante ne pratiquent pas le décloisonnement a constitué pour moi une autre source d’étonnement. Les élèves ont une sorte de pochette avec des intercalaires pour séparer les différentes parties (« Topics », « Grammar », « Vocabulary », …). Enfin, comme dans les manuels de langues vivantes en France, on note un ancrage culturel fort dans tous les manuels utilisés : je l’ai constaté dans les méthodes d’apprentissage de l’anglais aussi bien que du français (aspects géographiques, vie quotidienne, traditions, musique, cinéma, …).
D’autre part, le degré d’autonomie des élèves m’a beaucoup impressionnée : autonomie linguistique mais aussi autonomie au sens large. De ce fait, j’ai eu l’impression que mes élèves étaient plus âgés qu’ils ne l’étaient en réalité. C’est un peu comme s’ils avaient acquis des automatismes dans les années antérieures, peut-être à l’école primaire. Par exemple, ils se mettent au travail rapidement et prennent d’eux-mêmes des notes dans leurs dossiers, sortent leurs cahiers de textes pour consigner les devoirs ou les éventuelles évaluations sans qu’on ait besoin de le leur dire. Certains ont même un carnet spécial dans lequel ils notent le vocabulaire nouveau de manière totalement autonome. Deux autres exemples méritent, à mon sens, d’être mentionnés. Dans les manuels, on trouve beaucoup de textes longs (une page complète, voire deux). Les élèves les lisent et semblent appliquer naturellement les stratégies de repérages telles qu’on les enseigne en France, et ils consultent d’eux-mêmes le lexique en fin d’ouvrage pour comprendre les mots inconnus, comme s’il s’agissait d’un automatisme et ce, dès l’âge de 11-12 ans. Le second exemple concerne le travail en groupes. A de nombreuses reprises, mes élèves ont dû préparer des dialogues en classe, à présenter ensuite oralement. J’ai été surprise de constater que lorsque je m’occupais d’un groupe, les autres continuaient à travailler en attendant que je sois disponible. A chaque fois, ils sont parvenus à s’organiser au sein des groupes et à produire des énoncés de qualité dans le temps imparti, faisant souvent preuve d’originalité et de créativité, même pour les élèves les moins scolaires.
Cette expérience à l’étranger a modifié ma perception de l’erreur et m’a permis d’accorder une plus grande place à la spontanéité. Elle a également renforcé ma volonté de n’échanger qu’en anglais avec mes classes à mon retour en France, et de créer davantage de situations de communication authentiques. Cependant, la grande différence par rapport à mon expérience en Allemagne, c’est que mes élèves français savent que l’anglais n’est pas la seule langue de communication entre nous. Je pense que ne pas maîtriser la langue maternelle des élèves constitue un atout pour un professeur de langue vivante. Enfin, cette année d’échange a permis la mise en place d’un partenariat virtuel entre deux classes l’an dernier. A mon retour, j’ai voulu poursuivre ce projet. Il a fallu surmonter quelques difficultés d’ordre pratique : d’abord s’assurer que l’enseignante d’anglais en charge de la classe allemande veuille bien s’y investir (ma partenaire pour l’échange n’ayant pas réintégré son établissement d’origine) puis reprendre la phase initiale de présentation des élèves puisque dans mon collège, les classes sont recomposées d’une année sur l’autre. Les Français et les Allemands ont déjà échangé des lettres et des affiches, et nous travaillons en ce moment à la présentation de certains lieux touristiques en Picardie à l’intention de nos partenaires. Ce projet s’inscrit d’ailleurs dans le cadre d’un E.P.I. intitulé : « L’Europe : espace d’échanges en construction ? » et s’articule autour de trois disciplines (allemand, anglais et histoire-géographie).
Je conclurai en disant que cette expérience en Allemagne a renforcé ma conviction que pour être efficace, l’enseignement des langues vivantes doit d’abord passer par la motivation des élèves (créer le besoin et l’envie d’apprendre) et par l’acquisition de l’autonomie.